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Nous avons vu au chapitre "Liquidation" que l'une des premières actions de Paul Campinchi avait été la création d'une amicale, dont le but affiché était de continuer à maintenir un contact entre les membres du réseau.
« L'agent d'un réseau adhérent doit donc savoir qu'il dispose d'un organisme à qui il peut s'adresser pour régler tous les problèmes particuliers à sa qualité de résistant, que le même organisme constitue, en même temps, un service social dont le rôle ne se borne pas à soutenir les déshérités, mais à exercer l'entraide sur tous les plans. Le siège n'est pas un lieu théorique, mais un cercle où il peut retrouver ses camarades, ses amis, etc1. »
1 : Extrait d'une copie d'une note dactylographiée, non datée, à une autorité non identifiée, relativement au fonctionnement du "Comité d'Entente des Réseaux de la France Combattante".(arch.P.Camp.)
L'action de cette amicale s'est articulée autour de deux grands volets :
Le chapitre "Liquidation" traite de l'homologation, par la République Française, des réseaux et des personnes y appartenant, qui, outre l'attribution éventuelle d'un grade militaire équivalent, entraîne celle du statut de membre des Forces Françaises Combattantes, concrétisé par une carte de "Combattant Volontaire de la Résistance" (dont P. Campinchi recevra personnellement le n° 3) et, après 1954, une médaille correspondante.
Attribution à P. Campinchi de la carte
de Combattant Volontaire de la Résistance
Médaille de
Combattant
Volontaire
de la Résistance
La France a marqué ses remerciements particuliers aux plus méritoires des résistants, par leur nomination à l'Ordre National de la Légion d'Honneur, et par des citations à l'ordre des Armées, avec les médailles associées.
Les Etats alliés, en reconnaissance de l'ampleur du service rendu, par l'aide au rapatriement d'aviateurs, ont attribué également à certains d'entre eux une décoration de leur pays, souvent accompagnée d'une citation.
Il est évidemment impossible de citer tous les médaillés du réseau François-Shelburn ; à titre d'exemple j'en prendrai deux, représentatifs :
L'agent de terrain : Marie-Thérèse Le Calvez, jeune Bretonne qui n'avait que 20 ans à la Libération, qui fut alors nommée aspirant, et dont les exploits en Bretagne dans la région de Plouha sont narrés par Dominique-Martin Le Trividic2 :
2 : « Une héroïne de la Résistance » (op.cit.}
Le chef de réseau : Paul Campinchi, Chef de Mission de 1ère classe - Lieutenant-colonel des F.F.C.- Chef et liquidateur national des réseaux François-Shelburn, Alsace, Possum, Veaudevire :
Citation
Traduction :
«Monsieur Paul François Campinchi
Officier honoraire de l'Ordre de l'Empire Britannique
CITATION
Dès le début de 1943, Monsieur Campinchi fut contacté par des agents britanniques
en vue de créer un organisme d'évasion. Monsieur Campinchi commença immédiatement
à recruter environ une centaine d'agents et mit sur pied une organisation avec une
grande habileté et un solide jugement. Il estima qu'il serait préférable de grouper
plusieurs agents sous l'autorité d'un seul chef et, pour chaque section,
de se concentrer sur une seule branche de l'évasion en vue d'assurer à la fois
son efficacité et sa sûreté. Il y eut des sections qui étaient chargées du logement,
de l'acheminement, de l'imprimerie clandestine, de la nourriture, des messages par radio,
de l'identification des évadés, de l'embarquement et du travail général de liaison.
La majorité des agents travaillaient à Paris ou en Bretagne, mais Monsieur Campinchi
organisa aussi des chaînes d'évasion par Grenoble, Nice, Amélie, Perpignan et Toulouse.
Monsieur Campinchi favorisa les opérations maritimes au départ de Bretagne car,
en cas de succès, elles assuraient l'évacuation directe et rapide des évadés, en
comparaison, des longues chaînes d'évasion à travers le sud de la France et l'Espagne.
Au moins six de ces opérations d'embarquement furent couronnées de succès
depuis janvier 1944 et les agents atteignirent sains et saufs le territoire Allié
en l'espace de quelques heures.
Quatre évadés furent hébergés chez Monsieur Campinchi et deux agents britanniques
y demeurèrent. La Gestapo déploya tous ses efforts pour s'emparer d'un ennemi
si heureux dans ses entreprises, mais, lorsque les Allemands vinrent finalement
arrêter la famille Campinchi en septembre 1943, celle-ci avait abandonné son domicile
et habitait chez d'autres personnes. La Gestapo ne relâcha pas sa chasse envers
Monsieur Campinchi, mais ne parvint jamais à l'arrêter, si bien que celui-ci fut
à même de rendre d'incomparables services aux Alliés jusqu'à la Libération.
Monsieur Campinchi fut l'auteur de l'évasion de plus de cent agents en service
commandé et son service d'évasion fut l'un des plus importants et des plus efficaces
de France. Ses capacités de chef et d'organisateur furent de premier ordre et il
consacra tout son temps et toute son énergie à la cause Alliée, sans songer aux
dangers qui le menaçaient, lui et sa famille. Monsieur Campinchi demeurera comme
l'une des personnalités les plus marquantes de l'histoire de l'évasion. »
Médaille d'Or
de la Légion Américaine
Citation pour la
médaille de la Liberté,
avec palme d'argent6
3 : (arch.P.Camp.)
4 : Traduction par Mademoiselle Isabelle MICHEL, à l'époque secrétaire à la Préfecture de Police de la Seine.(arch.P.Camp.)
5 : (arch.P.Camp.)
6 : (id.)
D'autres documents, énumérés ci-dessous, sont visibles en annexe :
En février 1960, Charles de Gaulle, alors président de la République, fit parvenir à Paul Campinchi le pli suivant :
Lettre du Général Charles de Gaulle7 et son enveloppe d'envoi8
Ce document, est sous le timbre du général, et non du président de la République, et il s'adresse à P. Campinchi en tant que Secrétaire général du Comité d'Entente des Réseaux et de la France Combattante. Particulièrement laconique, il a évidemment trait aux fonctions qu'avait remplies, ou que remplissait encore P. Campinchi, (après la phase de "Liquidation" analysée dans le chapitre correspondant), dans le cadre étendu de l'homologation des actions de résistance9, dont était chargé ce "Comité des pairs". Questionné à ce sujet, il a toujours conservé un secret absolu. Il semblerait qu'il avait eu une position extrêmement rigoureuse dans son opposition à la reconnaissance, a posteriori, d'un "brevet de résistance", que d'aucuns voulaient attribuer à certains hommes politiques ; rigueur que venait ainsi honorer de Gaulle.
7 : (ibid.)
8 : (ibid.)
9 : Sujet qui sort du cadre strict du fonctionnement du réseau "François Shelburn", mais qui montre que P. Campinchi, avait acquis, après la Libération, une notoriété certaine en la matière.
Cette action s'est exercée dès fin 1945, d'abord uniquement dans le cadre de l'amicale du réseau "François-Shelburn". A titre d'exemple : des courriers envoyés de Bretagne à Marie-Rose Zerling sur un cas particulier10, restés en archive de l'amicale.
« Plouha 11-1211
Chère Claudette12
Je m'excuse de ne vous avoir répondu plus tôt et vous rassure tout de suite pour le chèque que j'ai bien reçu. Avant de vous répondre, j'attendais la réponse de Mme ... à qui son mari avait posé la question du Noël des enfants. Hier jai reçu une lettre de Mme ..., qui, confuse de tant de gentillesse de votre part, préfère les choses utiles, habillement si possible. Mme ..., dont l'état général s'est un peu amélioré et M..., très touchés par le geste de l'Amicale me prient de transmettre leurs plus vifs remerciements à M.Campinchi et à vous même. [...]
François13 »
« [...] le 7.1.46
Mademoiselle,
J'ai eu la visite de mon mari hier avec mes peites filles. Monsieur Cornec, toujours bon pour nous, est venu les conduire et on m'a montré le colis, reçu de vous le matin même, contenant les six jolies robes, et le blouson que vous avez eu la gentillesse d'envoyer à nos chères petites. Comment vous remercier de que vous faites pour nous Mademoiselle !...
Mon mari m'a fait part aussi de la somme que vous lui avez envoyée par monsieur Cornec, et je suis vraiment confuse de tant de bonté. [...] »
« Plouha, le 8 janvier [1946]
Chère mademoiselle Zerling
J'ai à vous accuser réception de bien des choses et vous remercier pour l'intérêt à notre petite famille.
Dans l'ordre, j'ai eu la plaisir de percevoir la rondelette somme que le Réseau m'a gracieusement affecté.
Le service du "Pécule" semble vouloir se secouer et se souvenir. [...] »
Tout cela s'est accompli grâce à un inlassable dévouement de votre part Mdemoiselle, joint à une volonté inébranlable d'aboutir à corriger et justifier chaque situation. [...] »
10 : Pour des raisons de confidentialité, le nom des bénéficaires de l'aide a été occulté. (arch.P.Camp.).
11 : Compte tenu des autres courriers du même type, on peut considérer qu'il s'agit de 1945.
12 : Pseudonyme de Marie-Rose Zerling.
13 : Probablement François Le Cornec.
Plus tard, vers la fin 1946, pour améliorer son efficacité et augmenter son assiette, cette action sociale a été menée dans le cadre, évidemment plus général, de la "Fédération des Amicales de Réseaux de la France Combattante14", et de son "Comité d'entente".
Mention de la création d'un "Comité des oeuvres sociales
de la France Combattante" et "Convocation"
Ce comité des oeuvres sociales fonctionne pratiquement comme une mutuelle assurant une entraide médicale gratuite.
Son compte rendu moral15 de 1958 détaille les moyens mis en oeuvre par l'action médico-sociale :
- une permanence 5 jours par semaine,
- 25 médecins et spécialistes (y inclus la stomatologie) gratuitement, soit à l'hôpital, soit en dispensaire, soit même à domicile,
- différents centres de traitement : hôpitaux St Joseph et Bichat, Centre médical de la Chaussée d'Antin, cliniques spécialisées en rhumatologie, cardiologie, oto-rhinolaryngologie16 ...
- Envoi en sanatorium17 ou en maison de repos.
Pour l'année 1958 on comptabilise : « 25 hospitalisés, [...] 650 visites ou consultations »
14 : Liste (manuscrite) des organismes composant le Comité d'entente des Réseaux de la France Combattante : 1) ALSACE, POSSUM, VAUDEVIRE, SHELBURN, GALLIA, DARIUS, REIMS-COTY et R.P.A., TURMA, ACCOLYTE, BEARN, BOURGOGNE, PERNOD, MANIPULE, GALLIEN, ACTION KIM, A.F.R., R2 CORSE, ROBERT GUY, ACTION VENGEANCE, BRANDY, KUMMEL, Isolés Evasions - 2) Délégations Association Nationale des Passeurs Bénévoles, et Association Nationale des Passeurs du Luxembourg - 3) Délégations du Sud-Ouest (5 départements) (Arch.P.Camp.)
15 : (arch.P.Camp.)
16 : Il est certain que l'emploi occupé par P. Campinchi à la Préfecture de Police de Paris, et son entregent dans le corps médical (souvenons-nous des médecins Porc'her, Le Balc'h et Peiffert, qui oeuvraient pour le réseau François-Shelburn) lui ont facilité l'accès aux services des professeurs agrégés Vic-Dupont (hôpital St Joseph), J.Turiaf (Bichat)- nommément cités dans ce document - et autres.
17 : Rappelons qu'à l'époque la tuberculose était fréquente et que l'un des seuls traitements connus consistait à envoyer les malades dans un sanatorium, souvent en montagne.
En 1955, certaines aides sociales étant toujours nécessaires, les budgets attribués s'avérant insuffisants, et la structure associative du Comité le permettant, Paul Campinchi, son président, eut l'idée de recueillir des fonds supplémentaires en organisant à cet effet à Paris une "Nuit des Champs Elysées".
Invitation à la "Nuit des Champs Elysées" 1955
La reprise de ce spectacle était prévue pour le 7 juin 1956,
« [...] Cependant, devant les tragiques événements qui ensanglantent une partie de la France d'Outremer et endeuillent de nombreuses familles françaises, les membres du Comité ont jugé que de telles festivités devenaient déplacées malgré leur but charitable.
Aussi, malgré la détresse de ses Oeuvres Sociales et du Service d'Entr'aide, le Comité d'Entente des Réseaux de la France Combattante a décidé de renoncer à cette soirée18. [...] »
18 : (arch.C.Camp.)
Elle reprend en juin 1957, avec, comme toujours, dans le Comité d'honneur, une longue liste de personnalités : du Général Thierry d'Argenlieu à Jean Cocteau en passant par le général Monclar, et l'affichiste Paul Colin, dont la participation a laissé des traces concrètes dans les archives.
Lettre du général Monclar
à propos de sa participation au comité d'organisation
Affiche offerte par le célèbre affichiste Paul Colin (1892-1985)
La dernière "Nuit des Champs Elysées" dont nous ayons une trace est celle de l'année 1964 ; c'est également notre dernier document concernant le Comité d'Entente des Réseaux de la France Combattante.
Affiche annonçant la "Nuit des Champs-Elysées" 1964
Au cours de l'un de ces événements19 - collectes festives pour les oeuvres sociales du Comité - Paul Campinchi prononça un discours, dont nous extrayons, pour conclure ce chapitre :
« [...] Grâce à l'initiative de quelques anciens "chefs de missions", cette association groupant les effectifs de 23 réseaux, n 'a d'autre but que l'entr'aide, le maintien de l'ancienne camaraderie et la défense du souvenir de la Résistance, c'est à dire des idées pour lesquelles ils ont combattu.
Car, s'il y a des "anciens Combattants", il n'y a pas d'anciens Résistants. Ils n'ont pas été tels à la suite d'une mobilisation générale supportée. C'est en raison de leur caractère, de leur nature même, qu'ils ont été des Combattants et ils se sont trouvés dans la bataille au moment même de leur décision.
Ce qui tient à la nature ne peut changer, ils ne sauraient donc pas plus se démentir que renoncer.
Mais c'est une association et, s'il y a quelque noblesse à rester pauvre, les buts mêmes qu'elle s'est fixés sont de plus en plus pénibles à atteindre.
Son but principal, sa raison d'être est l'entr'aide.
Et cette soirée est une soirée d'entr'aide.
Nous ne vous ferons pas l'affront de vous remercier car, sous un prétexte de distraction, en venant ce soir vous saviez faire un geste d'entr'aide. Et c'est beaucoup ! »
19 : Le document, pelure dactylographiée, n'est pas daté ; il se situe probablement entre 1955 et 1964. (arch.p.Camp.)
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